Voyages
Hans Christian Andersen
Riveneuve
LOI 910.4 AND
Il existe peu d’œuvres aussi universelles que les Contes d’Andersen, mais l’écrivain danois était aussi un globe-trotter et plusieurs de ses récits de voyages sont pour la première fois publiés en français. Les quatre récits de Hans Christian Andersen réunis dans "Voyages" s’étalent de 1831 (Ombres chinoises) à 1866 (Une visite au Portugal), tout au long de la vie littéraire de l’auteur.
L’écrivain a visité 25 pays en près de 20 ans, de la Norvège au Portugal, de l’Europe centrale à Malte et au Maroc, séjours qui ont nourri son oeuvre. Il était aussi très lié à Dickens, auquel il consacre un des ses récits, "La visite chez Charles Dickens", écrit en 1860. Andersen s’intéresse à tout, à la vie des cours princières comme à celle des petites gens, aux paysages comme au théâtre ou à la littérature des pays qu’il traverse. L’homme se révèle à la fois tendre, vaniteux, peureux et rongé par les interrogations existentielles qui l’habitent. Quant à sa plume de poète, déjà bien affinée, le lecteur y saisit les prémices d’un conteur. Il ne se passe pas trois pages sans que légendes ou anecdotes viennent alimenter son récit. Le tout avec humour, décadence et sous-entendus.
(Allemagne, Saxe-Anhalt)
"Vers minuit, je quittai la vieille ville de Eisleben à bord de la "Eilwagen" saxonne. Les premiers coteaux de vignobles verdoyants m’adressèrent leur salut en même temps que se levait le soleil. Le postillon jouait du cor joliment, enchaînant morceaux sur morceaux, Nous passâmes devant deux grands lacs, les montagnes vertes et les nuages rouges se reflétaient à la surface" de leurs eaux tranquilles. Il y avait aussi un vieux château seigneurial fortifié, avec son donjon, ses hautes murailles et ses douves profondes. L’écho y était superbe. [...] Je n’oublierai pas ce délicieux matin, il restera, lui aussi, comme une mélodie dans l’album de mes souvenirs. Le postillon et l’écho ont conféré à toute cette contrée un supplément de beauté qui sans doute fait défaut ensuite à la ville savante de Halle. [...] Les paysannes assises sur la place du marché pour vendre leurs marchandises me parurent avoir de visages tout à fait étranges, d’un brun sombre comme ceux des bohémiennes. Je fus sur le point de m’adresser au hasard à la première venue et de lui tendre ma main, en pensant que c’était une tzigane qui saurait me dire ce que j’allais toucher comme droits d’auteur - sous forme d’argent ou d’immortalité- pour tout ce qu’il m’arriverait encore d’écrire ou de penser en ce monde".
Sur les chemins de chine :
Récit de voyage
Clara Arnaud
LOI 910.4 ARN
C’est à l’age de 21 ans que Clara Arnaud est partie en Chine pour réaliser son rêve : traverser l’ouest de la Chine en compagnie de chevaux. Fascinée par ce pays, elle a commencé à apprendre le mandarin dès l’age de 15 ans. Et c’est en 2008, qu’elle décide de sauter le pas.
Après quelques jours passés à l’université de Xian, elle se lance dans son périple et part dans le Xinjiang. Elle se procure un cheval de bat et s’enfonce en pays ouïghour. La population est chaleureuse et les invitations nombreuses. Elle ira dans le désert, terre sèche où elle vivra la déception d’une réalité en décalage avec ses rêves de grands espaces, paradis pour une chevauchée fantastique… Difficile découverte que cette réalité du voyage, qui n’est jamais celle que l’on a imaginée. La surveillance chinoise la rattrape et la voilà priée de partir.
Ses pas la mènent sur les hauts plateaux tibétains et Clara se met en quête une fois de plus de chevaux de bât qui pourront lui permettre de cheminer en toute indépendance. Eole et Zephyr seront ses compagnons de route et là voici seule avec elle-même pour aller au bout de son objectif. à l’écart des villes et au plus profond des montagnes. Terre fascinante de beauté, aux habitants insaisissables, le Tibet est le lieu de bien des questionnements. Peu importe la difficulté, Clara multipliera les rencontres, plus variées les unes que les autres.
Le lecteur aimera découvrir les villes, les paysages, les rencontres car l’auteur en fait une description fidèle grâce à un sens de l’observation aigu plein d’esprit. Très agréable à lire, d’une écriture riche, brillante, il faut prendre le temps de lire ce récit, car il est difficile de rester insensible au voyage de cette jeune femme courageuse qui passe d’une vallée à une autre, d’un monde à un autre, sans s’arrêter aux préjugés où ceux de la vallée voisine sont des inconnus, « des mauvais, aux âmes mauvaises ». Ce n’est pas sans émotion qu’elle partage avec le lecteur ses doutes. Un livre émouvant, touchant, prenant. Une belle découverte.
La Fondation Zellidja permet à des jeunes gens de 16 à 20 ans de faire un voyage en participant à son financement. Ils doivent partir seul, et présenter à leur retour un journal de bord et un rapport d’étude sur tel ou tel point relatif à ce voyage. C’est dans ce cadre que Clara Arnaud s’est lancée sur les chemins de Chine. Chaque année, un jury se rassemble pour prendre connaissance des journaux de bord et des rapports d’étude des voyageurs et décerne un prix au meilleur d’entre eux.
Clara Arnaud a reçu le Grand Prix 2009 ainsi que le prix littéraire de l’Asie de l’ADELF (Association des Ecrivains de Langue Française).
« Soudain, Ahmat s’interrompt, pose le dutar (instrument à corde), et presque sans transition, évoque son enfance dans un petit village aux abords du désert, Toksun.
"J’ai eu une enfance heureuse avec mon frère et mes sœurs dans une maison emplie de rires et de musique. C’était une petit maison de terre où volait toujours dans l’air une odeur de pain chaud au sésame. Mon père a souffert, emprisonné pendant la révolution culturelle car il était musicien. Il a peu parlé de cette époque, mais il avait beaucoup de ressenti envers les Chinois, il disait toujours que nous étions une culture en sursis, au bord du gouffre. Aujourd’hui, il est mort. Son absence est terrible, car c’est lui qui m’a tout transmis sur la culture ouïghoure : la poésie, la musique, le chant. Il a su faire de nous des enfants heureux et des individus éclairés.
Je l’écoute conter son historie et dépeindre le sort des Ouïghours. Je songe à cette voix qu’il me faudra moi aussi transmettre, celle d’un peuple à l’agonie. Je me promets de l’écrire un jour, de le clamer haut et fort. »"C’est un de ces matins joyeux où le printemps entre en grand vent. J’enfile ma tunique, j’ai envie d’éclats de soleil à travers un ciel bleu, de branches qui se balancent, de pétales de fleurs qui volent dans les cheveux ».
« Je sais à cet instant précis que plus rien ne sera comme avant, car ces « autres » que la route m’offrent en cadeaux, sur qui repose mon salut, sont aussi mes prédateurs. La route qui me procure ses trésors est aussi un abîme ou l’on peut sombrer. […] Je sais par où j’ai péché, je sais quel est mon talon d’Achille, je connais le mal dont je souffre : la cécité du rêveur ambitieux."
Sibériennes :
Voyage aux confins de la taïga
Géraldine Bérard
Transboréal (Sillages)
LOI 910.4 BER
En 2004, tout juste rentrée de huit mois passés en Asie du Sud-Est, Valérie François rêve déjà d’autres horizons. Son amie, Géraldine Bérard, évoque avec elle ses études de russe, ses séjours en Russie et son rêve : rejoindre depuis Moscou le détroit de Béring en passant par Iakoutsk, en empruntant la route de la Kolyma et en faisant étape à Magadan. Ces noms-là symbolisent à ses yeux des immensités sauvages et reculées où la vie, en moins d’un siècle, a connu des bouleversements qui ont affecté en profondeur ses populations.
« Nous avions la même éthique, les mêmes envies, la même façon de concevoir le voyage, sans volonté d’accomplir un exploit physique particulier ni velléité humanitaire, mais avec une idée fixe : prendre le temps de se perdre, de rester, d’échanger et de comprendre. La rêverie d’un soir est devenue une possibilité, une promesse, un engagement, enfin une réalité ».
Valérie François et Géraldine Bérard partent en Russie, où elles vont séjourner de mai à septembre 2005. Depuis Moscou, le Transsibérien puis le BAM (Baïkal-Amour-Magistral) qui, par le Nord, contourne le lac Baïkal, « la perle de la Sibérie », les emmènent à Nérioungri, en république autonome de Iakoutie. Puis, c’est par la route qu’elles rejoignent, au terme de 10 000 kilomètres de piste et de voie ferrée, la ville portuaire de Magadan, dans l’oblast du même nom, sur les rivages de la mer d’Okhotsk.
Valérie François et Géraldine Bérard arpentent la toundra, traversent la taïga, partagent pirojki et salade russes autour de verres de vodka glacée, cueillent les champignons aux abords des datchas, refont le monde en compagnie d’hôtes heureux de conter leur histoire, avec nostalgie selon l’habitude russe. Elles rencontrent les héritiers des petits peuples du Nord, éleveurs de rennes, chasseurs de zibelines ou pêcheurs de saumons, pionniers attirés par l’or de la Kolyma, émigrés volontaires ou encore prisonniers politiques déportés dans les goulags.
Grâce à la connaissance de la langue russe de Géraldine Bérard, ce voyage se mue en découverte de l’existence des femmes russes, dont les rires cachent souvent des larmes. Les voyageuses font ainsi la connaissance de personnes d’origine ethnique, sociale ou professionnelle différente, auprès de qui elles restent parfois plusieurs semaines. Le temps d’une soirée, Russes et Françaises confrontent leurs histoires personnelles et leurs regards sur le monde. Les histoires d’amour qu’elles se racontent trahissent l’évolution des mentalités. Elles reflètent tantôt une époque, tantôt un milieu social, et illustrent mieux qu’un discours les droits et la place de chacun dans la société.
" Nous avons longuement discuté sur la meilleure façon de découvrir cette région. Nous avons décidé de nous intéresser à la vie des femmes. Nous voulons partager leur existence quotidienne, confronter nos modes de vie, nos point de vue sur le monde. Et surtout, nous aimerions savoir qu’elle place l’amour occupe dans leur vie !"
Ce voyage est une belle réussite et vous en apprécierez le côté intimiste, la chaleur des échanges entre femmes, leur générosité. Il ne s’agit pas de voyeurisme mais véritablement de partage. L’écriture est belle, le récit riche, les émotions nombreuses, les personnes rencontrées attachantes dans leur vécu, leur ressenti, leur personnalité. Un témoignage magnifique sur le combat quotidien
de ces femmes pour préserver leur famille, assurer l’avenir, s’affirmer en tant que femme.
Une très belle découverte.
Encore un livre qu’il est difficile de quitter.
« Avgoustina nous laisse retrouver nos âmes de petites filles qui rêvent à des histoires de princesse. Elle pose sur la tête de Géraldine une immense coiffe de velours bordeaux rehaussé de passementeries dorées et de perles blanches. Une Marie de Médicis iakoute. En créant ces robes, la stylise perpétue et fait connaître des traditions. […] Elle nous montre une robe qui ne ressemble à aucune autre, posée sur un buste. Sur celle-ci, pas de broderies ni de fourrures, de velours ou de perles. - un vêtement peut raconter à lui seul l’histoire d’un peuple. Celle-ci, en peau, symbolise note terre : La Iakoutie. Cette robe d’un autre temps est fascinante. A la fois simple et sophistiquée. Sauvage, féline, terriblement féminin. Dure et fragile comme la terre qu’elle représente. Fins comme de la dentelle, des personnages en os de mammouth sculpté sont incrustés dan la robe, d’autres pendent en breloque le long des bras et des jambes. Chaque détail représente un symbole. […] Avant de partir Avgoustina sort d’une armoire un grand livre. Sur la couverture habillé d’un tissu grenat, le titre brille en lettres d’or : Les fantaisies d’Avgoustina Filippova. –Malheureusement, personne ne reprendra le flambeau. »
Visite à don Otavio :
Tribulations d’une romancière anglaise au Mexique
Sybille Bedford
Phébus (Libretto)
LOI 910.4 BED
Au début des années cinquante, avec une amie, une Anglaise, curieuse de tout,
part à l’aventure sur les chemins du Mexique. Le pays vit encore à l’heure de Zapata et de Pancho Villa. Le voyage sera mouvementé, les deux dames n’ayant pas froid aux yeux - et n’ayant pas les yeux dans leur poche. A sa manière - caustique, impertinente - Sybille Bedford (1911-2006) brosse le portrait d’un peuple qui tout ensemble la révolte et la séduit. La visite à Don Octavio n’est pas de tout repos et vous réserve des surprises.
L’auteur n’a pris aucune note lors de son voyage : « si vous vous encombrez de griffonnages, vous passez à côté de l’essentiel ». Laissez-vous porter par ce récit prenant, enthousiasmant, l’écriture légère. Les anecdotes foisonnent, le style est alerte, coloré. Sybille Bedford a conquis la célébrité en 1953 avec Visite à Don Otavio, considéré comme un classique absolu de la littérature de voyage
"A quoi bon résumer les épreuves, les visions, les saveurs, toutes les délicieuses surprises de ce "beau voyage" ! A quoi bon gloser sur la lucidité d’un regard que rien jamais ne fait dévier ! Ceci est tout simplement un nouveau Livre des Merveilles : à lire, relire et relire encore !" Bruce Chatwin
« Le train d’avant-hier débarqua des Américains décomposés. Ils avaient failli devenir fous ; et après trois jours de réclusion, ils étaient éreintés. – la voie était inondée, on a cru qu’on n’arriverait jamais. A partir de Nogales, il nous a fallu des siècles. Auriez-vous pu imaginer une chose pareille !
. Pas dans des conditions ordinaires, E. »
. Nous débarquâmes à Gaudalajara le soir suivant, avec seulement cinq heures de retard. Don Otavio, Andreas, Juan, don Enriquez et Pedro nous attendaient sur le quai.Nous rentrâmes dans Guadalajar, qui nous parut aussi belle que Paris, pour boire un verre. Puis nous continuâmes notre route jusqu’à Chapala dans l’auto de don Otavio ? L’air était frais et sentait bon le foin. Nous roulions lentement à cause des vaches qui dormaient, allongées sur la route avec leurs petits. Elles avaient quitté leurs près, attirées par la pierre encore chaude. En nous voyant, elles se contentaient d’ouvrir les yeux.
A Chapala, nous prîmes le canot automobile. De don Enriquez. La nuit était très claire sur le lac, le ciel plein d’étoiles filantes. Nous fendions une onde soyeuse, scintillante phosphorescente. Des poissons bondissaient, brillaient, qui retombaient. On devinait vaguement au loin la berge qui s’étalait, douce et paisible. En fait, j’avais atteint cet extrême degré de fatigue où les nerfs et les sens sont à vif, en contact direct avec le monde, où l’on ne perçoit plus ni distance ni barrière entre son regard et sa conscience, où l’esprit, observateur et rapide, reste lucide mais vide, et où l’on s’approprie la beauté, comme par osmose, Nous débarquâmes pour voir la façade de San Pedro se dresser dans le clair de lune. »