L’ arbre inspirant ... L’Arbre en Art
A l’occasion de l’exposition à la médiathèque sur les arbres remarquables, interrogeons-nous sur la place de l’arbre dans les arts.
En peinture, il n’est pas si facile de représenter un arbre si bien que ce sujet a été parfois délaissé pendant des années pour resurgir à nouveau, mais d’autres pans de l’Art s’y sont plus interessés tels que la Sculpture et la Photographie (Land Art, Arte...).
L’Arbre inspirant. (texte en Pdf)
Les peintres l’ont de tout temps représenté. Un arbre seul permet de signifier un paysage. On le reconnaît toujours, toutefois chaque époque définit ses codes de représentation, il est un fil précieux pour suivre l’évolution de la peinture.
Si l’arbre semble avoir été un modèle récurrent dans l’histoire de la peinture, il n’a pas toujours eu le même statut artistique. Symbolique puis naturaliste, impressionniste puis cubiste, il suscita bien des regards chez les peintres.
L’arbre symbolique, l’arbre objet à part entière, l’arbre personnalisation, l’arbre délaissé... Découvrez l’évolution de la représentation de l’arbre dans la peinture
Tiré de « La voix des arbres dans l’histoire de la peinture »
Par Laurent Wolf
Responsable du Samedi Culturel, supplément hebdomadaire du quotidien suisse Le Temps, critique d’art.
L’arbre symbolique
L’arbre est universellement considéré comme un symbole des rapports qui s’établissent entre le ciel et la terre, symbole de vie par excellence, représenté par toutes les cultures. Dépositaire de sagesse, justice et mémoire du fait de sa longévité, il nourrit, protège, réchauffe l’homme, l’accompagne de sa naissance à sa mort.
L’arbre dans la peinture dès les premiers temps, surtout dans la peinture « religieuse » : l’Arbre de la Connaissance qui porte la pomme qu’Adam et Eve ont interdiction de toucher.
Avec, la Renaissance les peintres abandonnent le sacré pour le profane, la peinture au XVIe siècle est encore habitée par les grands thèmes bibliques auxquels s’ajoutent ceux issus de la mythologie. L’arbre, comme sujet de création artistique, a une valeur plus symbolique qu’esthétique.
L’arbre va être à l’honneur de manière très réaliste sous la Renaissance chez Pierre Paul Rubens dans ses « Etudes d’arbres » par exemple ou chargé d’une symbolique forte et fantasmagorique dans « L’ermite Antonius » de Jérôme Bosch.
L’arbre, objet à part entière
Dès la fin du XVIIIe siècle, les peintres n’envisagent plus la nature comme simple cadre symbolique de leur œuvre, mais bien comme objet à part entière.
Fondant sa peinture sur l’étude réelle de la nature plus importante à ses yeux que les modèles artistiques, John Constable (1776 - 1837) fut à cet égard l’un des principaux peintres de paysages du XIXe siècle.
C’est en effet à partir de croquis précisément dessinés dans la nature qu’il réalise la plupart de ses peintures. Ainsi, dans L’ »Etude d’un tronc d’orme » (1821) , où chaque détail, de l’écorce aux branches, est rendu avec une précision infinie, comment ne pas être frappé par ce que Reynolds nommera son "naturalisme photographique". Admiré par Delacroix et Géricault, Constable influencera les maîtres de Barbizon et les impressionnistes.
Les impressionnistes avaient l’habitude de peindre en plein air afin de saisir les colorations variées et fugitives que pouvait offrir la nature. L’arbre, vecteur de lumière et de couleurs, constituait pour eux un modèle de prédilection.
Réflexions autour de de John Constable « Etude d’un tronc d’orme »
« Automne 2002, la Réunion des musées nationaux organisait au Grand-Palais, à Paris, une rétrospective consacrée à John Constable (1777-1837), l’un des précurseurs de la peinture de plein air, dont les tableaux présentés au Salon de 1824 stupéfièrent Géricault et Delacroix. Ce n’était pas une exposition comme les autres, puisque son commissaire était lui-même un artiste, bien vivant celui-là, le célèbre peintre anglais Lucian Freud (1922).
A l’entrée, à côté d’un de ses propres tableaux, Freud avait accroché une œuvre surprenante de Constable, qui peint presque toujours des horizons ouverts ou des sous-bois, un tronc d’arbre isolé dont il dit ceci :
« Quand j’ai vu le petit tableau du tronc d’arbre en plan rapproché du Victoria & Albert Museum (1821), j’ai trouvé que l’idée était excellente. Quel sujet ! Des arbres, il y en a partout. Je vais en faire un, me suis-je dit. De tout près. Qu’on sente l’écorce. J’ai sorti mon chevalet et je l’ai planté devant un arbre : ça a été la catastrophe, je n’ai rien pu en tirer. »
Des arbres, en effet, il y en a partout. Dans la nature, et aussi dans la peinture occidentale depuis des siècles. Mais c’est seulement à partir de la fin du 18 e siècle et au début du 19 eme que les artistes peignent des arbres en tant que tels et non plus en tant qu’éléments de décor accompagnant le sujet principal du tableau. L’échec de Lucian Freud en dit plus long qu’une réussite
Peindre un arbre, un seul arbre, et qui plus est le tronc de cet arbre, pose des problèmes de technique picturale d’autant plus complexes qu’il s’agit en apparence d’un objet simple dans sa géométrie.
Cela suppose une redéfinition de la hiérarchie des genres picturaux, car il n’y a ni récit, ni allégorie, ni personnage, ni même vision sublime, rien à quoi se raccrocher, sinon à la réalité de l’arbre, à sa propre logique matérielle et formelle.
Cela suppose une nouvelle disposition chez l’artiste : le désir de faire apparaître sur la toile quelque chose de sa vision singulière – ce qu’il voit, comment il le voit – et d’être au plus près de son propre sentiment à l’égard du monde visible.
« Constable fut un peintre incroyablement émotif, au vrai sens du terme », dit aussi Lucian Freud. La question, non résolue par ce dernier quand il plante son chevalet devant un arbre, est donc : comment faire passer sur la toile l’émotion ressentie devant l’arbre et comment la faire passer de la toile dans le regard du spectateur ?
Tiré de « La voix des arbres dans l’histoire de la peinture »
Par Laurent Wolf Responsable du Samedi Culturel, supplément hebdomadaire du quotidien suisse Le Temps, critique d’art.
Constable :
le choix de Lucian Freud
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Il existe des répertoires de modèles pour toutes sortes d’objets. Cependant, les arbres semblent poser un problème particulier, auquel s’est heurté Lucian Freud, qui tient à leur simplicité apparente et à la difficulté d’atteindre à la vraisemblance.
Dans la seconde moitié du XVIII siècle, un artiste né en Russie et installé en Angleterre, Alexander Cozens (1717 ?-1786), a publié plusieurs traités sur la manière de peindre les paysages. Il a consacré de nombreuses études aux arbres et aux nuages, et a imaginé une méthode de représentation à partir de taches d’encre ou d’aquarelle. John Constable, premier des grands peintres de plein air, a lui-même étudié la méthode de Cozens, et produit de nombreuses études à partir de ses modèles, en particulier de ses nuages issus de taches d’encre.
Pourquoi un peintre soucieux de se libérer des artifices de la peinture d’atelier est-il passé par cette étape intermédiaire ?
Les premiers peintres de paysages se trouvaient dans une situation délicate. Ils souhaitaient être au plus près de la « nature », mais devaient se soumettre au goût de leur public, habitué à la peinture de composition et peu préparé à adopter l’apparent désordre des travaux sur le motif. Pour aboutir à ses tableaux définitifs, John Constable parcourait plusieurs étapes : d’abord des esquisses dessinées, ensuite des esquisses peintes à l’huile, enfin le tableau.
L’arbre est un ensemble à la fois solide et flou, construit et libre, d’où ces problèmes de représentation. Comme le nuage, il s’agit d’un objet précisément reconnaissable, mais sans limite précise (en comparaison avec un bâtiment ou un corps humain).
C’est pourquoi, dès lors que les artistes vont peindre sur le motif et prétendent faire passer leur vision personnelle dans le tableau, l’arbre devient un sujet à part entière.
« J’entendais la voix des arbres ; les surprises de leurs mouvements, leurs variétés de formes et jusqu’à leur singularité d’attraction vers la lumière m’avaient tout d’un coup révélé le langage des forêts, tout ce monde de flore vivait en moi, dont je devinais les signes, dont je découvrais les passions ».
Théodore Rousseau (Peintre1812-1867)
En France, les peintres de la génération suivante vont systématiquement aller sur le motif, notamment dans la forêt de Fontainebleau, aux environs de Barbizon où certains, tel Rousseau.
Théodore Rousseau (1812-1867) est le fondateur de la célèbre école de Barbizon. Les artistes de ce groupe sont liés par le désir de peindre en paix « sur le motif » et par leur passion commune pour la forêt de Fontainebleau.
Certains s’installent alors définitivement à Barbizon, dans les maisons à vendre de ce petit village. La forêt devient pour ces peintre, à la fois leur maison et leur atelier.
Lors de promenades, leur attention se porte sur les rochers, le sable et les arbres de la forêt de Fontainebleau. La vie de la ferme, la campagne, la terre sensuelle et féconde leur inspirent des tableaux bucoliques.
Les peintres de Barbizon rendent compte d’une ambiance lumineuse vraie et des reflets éphémères du soleil. Cependant, la palette reste traditionnellement basée sur les valeurs des teintes du clair au sombre. Les bruns chargés de bitume dominent, ainsi que les jaunes et les verts sombres.
Les paysagistes de l’école de Barbizon exécutent des esquisses directement d’après nature et les transcrivent dans les toiles de petit format à l’atelier. Ils conservent la technique rigoureuse et patiente des couches picturales superposées.
« A l’enfer la civilisation, vive la nature et la poésie ! »
Théodore Rousseau est un individu ombrageux et solitaire. Les personnages disparaissent presque de sa peinture. Quand il y en a, ils sont minuscules. Ses vrais personnages sont les arbres et les rochers. Ils ont une voix, ils ont des passions.
Rousseau peint après Constable : ce n’est pas seulement une indication chronologique, c’est aussi une indication sur les problèmes déjà résolus et les problèmes qui restent à résoudre. En raison des habitudes de sa clientèle, mais aussi de sa personnalité, Constable dut adopter une stratégie prudente qui l’a conduit à dissimuler en partie le caractère révolutionnaire de sa peinture.
Dans « Groupe de chênes », Apremont, Forêt de Fontainebleau (vers 1850, Musée du Louvre), six arbres sous lesquels paissent de tous petits bovins se découpent sur un ciel nuageux au-dessus d’un horizon plat. Dans Forêt en hiver, à l’aube (vers 1845, Metropolitan Museum of Art, New York), la forêt, au contraire, envahit tout l’espace, et l’on voit à travers les branchages dénudés des éclats de lumière rouge. Deux points de vue opposés quant à leur résultat. Le premier pose les personnages-arbres au centre, bien découpés, et souligne la relation entre leur substance et l’espace qui les entoure : un portrait de groupe dans la nature. Le second est enfoui au cœur de l’ensemble arbres, pris dans le corps de ce géant qu’est la forêt, et l’on devine, au loin, par les éclats de lumière, l’espace aérien qui est autour.
Camille Corot (1796-1875) est l’un des plus doués de cette génération. Un as du croquis et de l’esquisse, des angles de vue audacieux. Mais c’est aussi un homme soucieux de plaire et doté d’une grande clientèle qu’il n’aimait pas bousculer. Il maintient sa liberté dans des limites acceptables, en installant presque toujours des personnages dans ses paysages – ce qui ajoute un contenu narratif à la représentation de la nature – et en adoptant une manière allusive et veloutée qui deviendra sa marque de fabrique.
L’arbre, personnalisation
Les œuvres de trois artistes de la fin du XIXe siècle et du début du XXe permettent d’observer un second tournant, celui de Vincent Van Gogh (1853-1890), Paul Cézanne (1839-1906) et Piet Mondrian (1872-1944), grâce auxquels la personnalisation de l’arbre et la synthèse des solutions adoptées par Théodore Rousseau vont conduire à un dénouement étonnant.
- Vincent Van Gogh
Van Gogh a poussé à un point extrême l’utilisation expressive de la peinture d’arbre. Dans ses oliviers, par exemple, il parvient à faire coïncider la logique de la touche et du trait, la force de la couleur pure et la logique de croissance tourmentée des troncs et des branchages. Il y a chez lui une énergie résolutoire qui balaie tout sur son passage, une soumission à l’émotion (celle dont parle Lucian Freud à propos de Constable, celle que résume Théodore Rousseau quand il évoque « la voix des arbres »), un passage à l’acte comme dans beaucoup de ses tableaux, qui écarte les interrogations et les questions de méthode : les arbres deviennent le tableau, ils suffisent.
- Cézanne
Chez Cézanne, on assiste au cheminement inverse : l’interrogation est permanente, la méthode est le but ultime, la solution n’est jamais donnée, il faut chercher. Dans les nombreux paysages de rochers et d’arbres qu’il a peints près du Château-Noir – une confrontation formelle déjà éprouvée par Théodore Rousseau –, Cézanne met en présence les volumes délimités de la roche, les volumes aux limites imprécises des feuillages, et les tracés des troncs ou des branchages.
Pour parvenir à un ensemble cohérent à partir de ces éléments picturalement contradictoires, alors qu’ils sont objectivement cohérents dans la nature du seul fait d’exister, il ne suffit pas d’avoir de bons yeux ni même de savoir peindre (d’où la déconvenue de Lucian Freud quand il voulut figurer un arbre), il faut parvenir à faire coexister la statique des rochers, celle des feuillages, avec l’entrelacs mouvementé des tracés – c’est-à-dire donner à ces derniers la consistance de l’arbre lui-même, sa logique de croissance.
- Piet Mondrian
Avant d’être un peintre non figuratif, aujourd’hui célèbre par ses tableaux formés de lignes verticales et horizontales séparant des surfaces de couleurs fondamentales, Piet Mondrian a été un formidable peintre de paysages, inspiré par la tradition hollandaise du XVIIe siècle, mais aussi par Van Gogh et Cézanne.
En 1908, il peint Arbre Rouge (Gemeentmuseum, La Haye) : un arbre isolé sur fond bleu, formé d’un réseau complexe de lignes qui s’entrecroisent et se superposent.
Le sol, le ciel et la ligne d’horizon restent perceptibles, malgré le fondu des couleurs et la discontinuité de la touche. Les branches de l’arbre sont littéralement engagées dans l’espace aérien. En 1913, il peint Arbre Gris (Gemeent-museum, La Haye). La silhouette est à peu près la même, à cette réserve près que l’arbre envahit toute la surface jusqu’aux bords du tableau. Le sol et le ciel, en blanc et gris, se mélangent, bien qu’ils soient encore distingués par le mouvement du pinceau.
Et l’arbre paraît absorbé par la couche picturale, l’ensemble étant rabattu vers le premier plan qui est en même temps le plan de la toile. Il a quitté l’espace aérien, celui dans lequel l’artiste aurait pu l’observer, pour venir habiter la peinture en tant que matière et devenir un pur objet pictural.
En 1913, Mondrian peint une série de tableaux qui paraissent abstraits au premier abord, comme Composition n° VII (Guggenheim Museum, New York). Il s’agit de courtes lignes horizontales et verticales, avec encore quelques diagonales et de rares courbes, entourant des surfaces grises et beiges sur fond gris. Ces compositions dérivent explicitement des arbres reconnaissables que Mondrian peignait jusque-là. Mais une rupture s’est produite entre le sujet « réel » – l’arbre dans le paysage – et le sujet « pictural » – l’arbre pris dans l’épaisseur du tableau.
La représentation au sens strict a disparu, il ne reste que la logique générique de l’arbre, sa manière impérieuse de composer un ensemble de lignes et d’imposer sa réalité (scripturale et picturale) à celui qui prétend le peindre.
En un siècle, le désir de travailler d’après nature, de matérialiser sur la toile le sentiment authentique et personnel du monde visible, a bifurqué d’un seul coup : il s’est concentré sur la toile et va donner naissance à une pratique soustraite au mimétisme, où tout se joue sur la toile même.
L’arbre, délaissé ?
Entre 1850 et 1910, la peinture va délaisser progressivement la forêt au profit de l’arbre. À une conception encore romantique de la nature vont succéder une recherche d’abstraction, une recherche plus structurelle, et devenir avec le travail sur les ombres, le motif par excellence de toutes les expériences chromatiques des Impressionnistes jusqu’aux Expressionnistes.
Moins souvent mis en valeur que l’eau, le ciel et la forêt, le thème de l’arbre s’impose pourtant comme l’un des éléments dominants de la composition d’une grande majorité de paysages. Avant 1830, la peinture de paysage est un genre mineur, et pourtant certains peintres, Camille Pissarro par exemple, liront attentivement les « Réflexions et conseils à un élève sur la peinture, particulièrement sur le genre du paysage » de Pierre Henri de Valenciennes, publiés en 1908 :
« Ne manquez pas de faire quelques études peintes de beaux arbres isolés ou en masse. Attachez-vous à tous les détails de l’écorce, de la mousse, des racines, de l’embranchement, du lierre qui les entoure et qui leur est attaché ; faites surtout de bons choix et étudiez la variété des bois, des écorces et du feuillage, ce qui est de la plus grande importance.
Choisissez de belles touffes d’arbres qui vous présenteront de larges masses de clair-obscur. Voyez comme les feuilles reviennent en clair sur une masse qui paraît noire. Ce sont là des études qu’il faut peindre d’après Nature pour saisir des vérités dont les artistes ne s’occupent pas assez.
Il est vrai que ces études ne forment pas des tableaux ; mais on les garde dans le porte-feuille pour les consulter et en faire son profit à l’occasion. »
Pierre Henri de Valenciennes »
Un panorama magnifique, du Romantisme à l’Abstraction, par l’impressionnisme et l’expressionnisme, qui nous permet d’embrasser pas moins d’un siècle de peinture de paysage en France, et de vagabonder parmi ces arbres représentés par de grands maîtres de la peinture française.
Depuis la fin des années 1910, l’arbre et la forêt ont presque déserté la peinture moderne et ne sont plus des sujets de prédilection.
Mais, les artistes entendent de nouveau la voix des arbres et la font de nouveau entendre dans l’histoire de l’art. Il en est ainsi, notamment, dans l’art de la sculpture.
L’arbre, et notamment son bois, est un matériau de prédilection pour le sculpteur. Nombre d’artistes contemporains utilisent l’arbre, non seulement pour sa matière, mais également comme œuvre artistique en soi.
Le thème de l’arbre existe dans la sculpture traditionnelle comme élément de décor évocateur du paysage naturel, comme élément de narration et comme élément symbolique, que ce soit dans les thèmes mythologiques ou chrétiens.
Au XX° siècle, le thème de l’arbre persiste dans la sculpture mais sa représentation réaliste est plus rarement recherchée, au profit d’une évocation de sa géométrie, de sa verticalité, de sa mouvance et de sa force vitale et symbolique (symbole de la nature, du cosmos, lien entre terre et ciel, image du temps, habitat-refuge, métaphore de la vie humaine). L’arbre devient le témoin et le symbole de l’activité créatrice (sculpture, peinture, architecture, mythes, poésie) et destructrice de l’homme (préoccupations écologiques et références aux génocides).
L’arbre devient souvent le thème principal de l’œuvre, traité avec tous matériaux ou bien simplement présenté (arbre réel).
En milieu naturel (paysage support et matériau), il est l’objet de recouvrements, d’installations, d’actions et de performances éphémères dont la mémoire est conservée par des traces photos ou vidéos.
En milieu urbain (rues, musées), l’arbre, sculpture unique ou multiple (bosquet, forêt), adopte souvent des dimensions monumentales et intègre à l’urbanisme et à l’architecture un élément de paysage ; il envahit notamment l’espace du musée, créant parfois même un environnement dans lequel se déplace le spectateur.
Pour s’en convaincre les installations de Dominique Bailly mais également les extraordinaires travaux de Giuseppe Penone. .
En effet, ce sculpteur et, avec lui, certains autres Italiens de l’Arte Povera, au cours des années 1970, présentent des travaux autour de l’arbre.
On retrouve également les arbres dans les créations des artistes de Land Art comme Andy Goldsworthy ou de Nils Udo.
Réflexion autour de Giuseppe Penone « L’arbre aux voyelles » jardin des tuileries
Le Jardin des Tuileries, à Paris, abrite de nombreuses sculptures. Dans la partie qui porte le nom de Grand Couvert, pas loin de la Terrasse du Bord de l’eau qui est au sud, côté Seine, le promeneur peut découvrir, sous une végétation foisonnante, un énorme tronc coulé en bronze dont les racines paraissent arrachées à la terre par une chute dramatique et dont les branches principales s’étendent jusqu’au pied de petits arbres qui ont été plantés là à dessein. La végétation, avec ses espèces qui suivent le parcours du tronc et des branchages (des pervenches ou des violettes), pousse presque librement. Selon les saisons, elle monte ou descend. En été elle dissimule le tronc, en hiver elle le découvre. Il s’agit de L’Arbre aux Voyelles de Giuseppe Penone (1947), souvenir de la tempête Lothar qui a traversé la région parisienne le 26 décembre 1999 et abattu des milliers d’arbres dans les parcs et les forêts.
Giuseppe Penone a en réalité moulé L’Arbre aux Voyelles à Turin, où il travaille et habite (quand il ne vient pas enseigner à l’Ecole nationale supérieure des beaux-arts de Paris), à partir d’un arbre abattu dans une propriété familiale. Peu importe, c’est une pure représentation. Cet Arbre aux Voyelles n’est pas la seule œuvre inspirée à Penone par la tempête Lothar. Celui-ci a aussi réalisé plusieurs sculptures à partir d’un tronc énorme frappé dans le parc du château de Versailles, dont sont issues plusieurs œuvres. Celle qui s’intitule justement Versailles est un morceau de ce tronc à l’intérieur duquel Penone a dégagé, cercle de croissance après cercle de croissance, le fût et les branches tels qu’ils étaient il y a de nombreuses années. Les arbres, explique Giuseppe Penone, ont la propriété d’enfermer à l’intérieur d’eux-mêmes leur histoire, leurs différents états, le passé qu’il est possible de faire ressurgir en tant que réalité matérielle cachée au cœur de l’arbre lui-même.
Penone est l’un des rares artistes contemporains qui continue de s’intéresser aux arbres, à leur matière, à ce qu’ils disent du temps, de l’événement, de la mémoire. Ses arbres sont à la fois l’objet et le sujet de sa sculpture. Ils lui dictent ce qu’il va en faire. Penone les respecte et en domestique la puissance significative. Les choses sont plus difficiles quand il s’agit de faire le détour par la représentation en deux dimensions, par le dessin et la peinture.
« Je sens la respiration de la forêt, j’entends la croissance lente et inexorable du bois, je modèle ma respiration sur la respiration du végétal, je perçois l’écoulement de l’arbre autour de ma main posée sur son tronc... La main s’enfonce dans le tronc de l’arbre qui, par la vitesse de sa croissance et la plasticité de la matière, devient l’élément fluide idéal pour être modelé », G.Penone, 1968.
« Les hommes ont pris dans les forêts la première idée de l’architecture ».
François René de Chateaubriand
Faut-il croire Chateaubriand ?
À l’entendre, les Grecs ont copié le palmier pour élever leurs colonnes corinthiennes, le style égyptien s’est inspiré du sycomore ou du figuier. D’ailleurs, dans La Cathédrale, Huysmans renchérit : « Il est à peu près certain que l’homme a trouvé dans les bois, l’aspect des nefs et de l’ogive ». L’homme n’entretient-il pas, sa vie durant, le rêve de tous les enfants d’habiter un jour, une cabane dans les arbres ?
De la vivifiante forêt de Barbizon à la ville paysagée, des nostalgiques promenades d’Atget à l’orientalisme fleurissant, après les peintres, les dessinateurs et les graveurs, les photographes du XIXe siècle ont réussi à en restituer toute la poétique réalité.
Les grands photographes du XIXe siècle :
Les familiers de la forêt de Fontainebleau, Alfred Briquet, Paul Berthier, Alexandre Famin, Henry Langerock, Achille Quinet
L’arbre fait partie du paysage, à la fois étrange et majestueux, sauvage et fondateur, il incarne le lien entre les éléments eau, feu, terre et air. Les "études d’après nature", proposées par les photographes attachés aux peintres de l’époque de Barbizon comme Paul Berthier ou Henri Langerock, montrent l’image d’une forêt luxuriante où l’arbre se fond dans une végétation dense, foisonnante et non maîtrisée par l’homme. On y voit des troncs noués, branches entremêlées, marigots dans les brumes.
Les amoureux de la ville, Eugène Atget, Giacomo Caneva, Jean Laurent, Charles Marville, Séraphin Mieusement
Les pionniers des lointains, Désiré Charnay, Félix Bonfils, Luigi Fiorillio, G. Lékégian, Pascal Sebah, Félix Teynard, Zangaki.
Quelques grands photographes du XXème siècle :
Edouard Boubat, Nils Udo (Land Art), Beth Moon (spécialisée dans les vieux arbres),..