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L’art de la direction d’orchestre (3) : Herbert von Karajan
Biographie - Janvier 2004

L’art et la manière de diriger


Avant d’aborder la carrière d’Herbert von Karajan, je vais vous parler brièvement de la technique et des méthodes de travail dans le domaine de la direction d’orchestre, sujet dont j’ai commencé à vous entretenir samedi dernier.

Au début du XXème siècle, la plupart des chefs d’orchestre dirigeaient très droits, figés dans une position qui laissait subsister une énergique battue. Les jeunes chefs plus décontractés ont été accusés d’être des gesticulateurs, mais l’excès en ce sens, souvent inefficace et gênant pour les musiciens, a été freiné par la radio et le studio d’enregistrement, où le public est absent.

Quelques chefs ont abandonné la baguette pour ne diriger qu’avec leurs mains, notamment pour l’exécution de la musique contemporaine, avec la complexité de l’écriture qui la caractérise. Toutefois, la baguette, bien employée comme prolongement du bras est d’une lecture plus aisée pour l’orchestre, surtout pour les musiciens les plus éloignés.

Enfin, la question du « par cœur » demeure controversée chez les spécialistes. Toscanini dirigeait des répétitions « par cœur », prouvant ainsi sa connaissance des partitions jusque dans les moindres détails. Ceci s’expliquait par le fait qu’il avait une très mauvaise vue et qu’il était plus pratique pour lui de mémoriser dans sa tête la partition.

Les grands chefs actuels trouvent deux avantages à ce système :

D’une part, la sensation de posséder tout à fait la partition permet d’en suivre le déroulement mental, tout en la réalisant avec l’orchestre ; d’autre part, un contact permanent avec les musiciens assure la continuité expressive de l’œuvre.

D’autres pensent au contraire, que le « par cœur » renforce le côté spectaculaire de la direction. En tout cas, le chef d’orchestre n’a cessé de prendre une importance croissante au cours du XXème siècle, le public s’identifiant volontiers au chef d’orchestre, incarnation de l’activité musicale au dessus de l’anonymat de l’orchestre.

Un chef d’orchestre devait accéder au rang de star de la baguette : Herbert von Karajan !


La carrière de Herbert von Karajan


Herbert von Karajan (il avait simplifié son prénom de baptême, Heribert) appartenait à une famille grecque originaire de Macédoine. Son trisaïeul, qui se nommait Karajannis (le « Jean noir ») émigra à Chemnitz en 1792 et fut anobli par l’électeur de Saxe.

Herbert naquit le 5 avril 1908 à Salzbourg, second fils du docteur Ernst von Karajan, grand chirurgien, bon acteur et clarinettiste amateur, et de Martha Kosmac, d’origine slovaque. Karajan commença à apprendre le piano à l’âge de 4 ans . L’année suivante, il fait ses débuts en public à un concert de charité. Il s’inscrit au Mozarteum de Salzbourg de 1916 à 1926. Il poursuit ses études à la Musikhochschule de Vienne jusqu’en 1929.

Il dirige son premier concert à Salzbourg le 22 janvier 1929. Dès 1933, il participe au Festival de Salzbourg et l’année suivante, il dirige pour la première fois l’Orchestre Philharmonique de Vienne. C’est en 1938 que commence sa longue association avec l’Orchestre Philharmonique de Berlin dont il deviendra directeur musical à vie en 1956.

Karajan occupa les fonctions de chef d’orchestre à l’Opéra d’Ulm pendant 5 ans, puis en 1935 devint le plus jeune directeur général de la musique d’Allemagne à la tête de l’Opéra d’Aix-la-Chapelle, ce qui l’oblige, d’après ses déclarations réitérées, à s’inscrire au parti nazi. En réalité, il s’y est affilié dès le 8 avril 1933 à Salzbourg, alors que l’Autriche était encore indépendante, puis le 1er mai à Ulm, enfin le 23 octobre 1934 à la section d’Aix-la-Chapelle, dont il sera encore membre en mai 1944. Son zèle vis-à-vis du pouvoir lui permet de gravir rapidement les escaliers de la renommée. Toutefois, l’intensification de la guerre aura pour conséquence de réduire ses activités, comme d’autres musiciens.

A la fin des hostilités, Karajan tente de redonner des concerts en Autriche, mais les Alliés lui interdisent désormais toute apparition en public. C’est alors qu’intervient Walter Legge, le mari de la cantatrice Elisabeth Schwarzkopf. Celui-ci , en tant que directeur anglais des disques Columbia, lui propose une série d’enregistrements à Vienne.

Enfin, le 20 décembre 1947, Karajan, « dénazifié » reparaît au grand jour en dirigeant le Philharmonique de Vienne dans la 9ème symphonie de Beethoven. Sa carrière internationale ne fait que commencer : débuts à Londres avec l’Orchestre Philharmonia dont il sera chef à vie en 1950, débuts à la Scala de Milan avec une Lucia di Lammermoor d’anthologie interprété par Maria Callas, débuts au Festival de Bayreuth, enfin, après une rivalité orageuse avec Furtwaengler qui n’eut de cesse de lui mettre des bâtons dans les roues. La mort de ce dernier lui ouvre les portes de l’orchestre tant convoité, le Philharmonique de Berlin.

Karajan fut à la fois directeur de l’Opéra de Vienne (1957-1964) et du festival de Salzbourg (1956-1960). En 1967, Karajan décida de créer le Festival de Pâques de Salzbourg, avec la participation de l’Orchestre Philharmonique de Berlin. A la mort de Charles Munch (1968), il devient conseiller musical de l’Orchestre de Paris, poste qu’il abandonne 2 ans plus tard parce que les autorités françaises jugent qu’il ne peut consacrer assez de temps à un ensemble trop jeune encore (il a été fondé en 1967) pour se passer de chef permanent.

La fin de règne sera parsemé d’embûches : graves problèmes de santé, conflit ouvert avec les musiciens du Philharmonique de Berlin à propos de l’engagement d’une clarinettiste, qui aboutit finalement à la démission de son poste de directeur à vie le 26 avril 1989 après 34 années de pouvoir sans partage.

Herbert von Karajan s’éteint le 16 juillet 1989 à Salzbourg, à l’âge de 81 ans.

Le chef d’orchestre « business man »

Tout au long de sa carrière l’audio-visuel et les nouvelles technologies du son l’ont passionné. Dès 1965, il devint producteur des films de concert et d’opéras réalisés sous la direction du cinéaste français Henri-Georges Clouzot.

Karajan a toujours été parmi les premiers à embrasser les innovations technologiques dans le but d’affiner l’écoute pour son public. A titre d’exemple, il réalisa en janvier 1980 le premier enregistrement numérique de la Flûte Enchantée de Mozart et l’année suivante, il lança avec les firmes discographiques Polygram, Philips et Sony le système CD numérique. En 1982, Karajan a fondé Télémondial en vue de représenter son répertoire en vidéodisque, medium et entreprise qui lui assuraient un contrôle complet du son et de l’image.


Maestro, Maestro : le documentaire


Proposé à l’occasion des 10 ans de la mort du maestro, le film de Claire Alby rassemble dans un montage très pertinent d’excellents documents d’archives et des interviews. La cantatrice Christa Ludwig raconte, avec un humour et un naturel qui illuminent l’écran, ses relations artistiquement privilégiées avec le chef d’orchestre, des membres des orchestres de Berlin et de Vienne témoignent de son travail quotidien, de son aura extraordinaire, de ses rapports avec le pouvoir.

La question épineuse des sympathies de Karajan pour le régime nazi est abordée très directement et longuement par Olivier Rathkolb, auteur du livre « Hitler et l’élite culturelle du IIIème Reich ». Ses informations amènent à une réflexion générale sur les positions de citoyen, de tout homme accaparé par son art, et très largement aussi, par le souci de sa carrière.

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