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Lucio Fontana, rétrospective
Présentation et sélection bibliographique, mai 2014

En pratique

Exposition, Musée d’art moderne de la ville de Paris, du 25 avril au 24 août 2014.

11 avenue du Président Wilson - 75116 Paris
Ouvert tous les jours, sauf le lundi de 10h00 à 18h00
Nocturne le jeudi jusqu’à 22h00

Consulter le site du musée d’art moderne de la ville de Paris

L’exposition


Le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris présente l’une des plus importantes rétrospectives de Lucio Fontana (1899-1968). Considéré comme un des grands visionnaires du vingtième siècle, son œuvre a marqué plusieurs générations d’artistes, d’Yves Klein à aujourd’hui. Pour la première fois en France depuis 1987, plus de 200 sculptures, toiles, céramiques et environnements permettent d’offrir une vision globale de son parcours atypique et de ses changements de styles.

Le parcours chronologique de l’exposition couvre l’ensemble de sa production, de la fin des années 1920 à sa mort en 1968, à travers tous ses grands cycles : sculptures primitives et abstraites, dessins, céramiques polychromes, œuvres spatialistes, toiles perforées, œuvres informelles, environnements, Tagli (Fentes), Nature, Fine di Dio, Venezie, Metalli, Teatrini, etc, oscillant entre geste conceptuel épuré et profusion de matières et de couleurs jouant avec le décoratif.

L’exposition, réalisée avec la collaboration de la Fondazione Lucio Fontana, met en valeur la diversité de sa création, entre abstraction et figuration, quête métaphysique et incarnation, utopie et kitsch, fascination technologique et matières informes. Ses toiles fendues, devenues des icônes de l’art moderne, sont mises en regard d’œuvres moins connues, notamment ses sculptures des années trente et ses céramiques, la plupart présentées pour la première fois en France.


Lucio Fontana (1899-1968)


Un mot, à la fois simple et immense, résume ce que fut et ce que fit Lucio Fontana : espace. Le nom même de l’artiste italien évoque, de manière allusive, l’ouverture lumineuse que serait, par la grâce d’une traduction approximative, una Fontana di Luce, une fontaine de lumière. L’espace sera le thème presque unique de ses recherches artistiques, son obsession. Espace sera aussi le but assigné à un mouvement artistique, créé par Lucio Fontana, le bien nommé spatialisme qui se développera entre 1947 et 1952, principalement à Milan.

Entre figuration et abstraction

Né le 19 février 1899 à Rosario, dans l’extrême sud de la province de Santa Fe, Lucio Fontana est fils de Luigi, immigré italien, sculpteur installé en Argentine depuis une dizaine d’années et de Lucia, née Bottino, italienne elle aussi et comédienne. A six ans, son père le ramène à Milan pour y suivre sa scolarité. Il entame son apprentissage artistique dans l’atelier paternel. La Première Guerre mondiale interrompt ses activités. Engagé volontaire, blessé puis médaillé, il reprend ensuite ses études avant de retourner, en 1921, dans sa ville natale. Il y reste sept ans, au cours desquels il ouvre son propre atelier et s’initie à la sculpture.

De retour à Milan en 1928, Fontana s’inscrit au cours qu’Adolfo Wildt dispense à l’Académie de Brera. Dans les années 1930, ses premières expositions révèlent des sculptures, la plupart en terre cuite, qui se détachent peu à peu de la figuration pour s’orienter vers l’abstraction, neutre ou colorée. Il entame parallèlement une activité de céramiste à Albisola qu’il poursuivra en France à la manufacture de Sèvres. A cette occasion, il croise le mouvement Abstraction-Création, fondé par Auguste Herbin et Georges Vantongerloo et animé, entre autres, par Jean Hélion, Hans Arp, Albert Gleizes, František Kupka. Il prend ainsi connaissance des principes hérités de Cercle et Carré, sans que cela ait une conséquence immédiate sur sa propre trajectoire. Il faudra attendre une autre tension, d’abord géométrique entre figuration et abstraction, puis géographique avec un nouvel aller-retour entre Italie et Argentine, avant que Fontana ne crée le mouvement spatialiste, auquel il est maintenant identifié. Les années 1930, en pleine période mussolinienne, ne favorisent guère les recherches artistiques.

Les manifestes spatialistes

Fontana rentre à Buenos Aires en 1940 et se met à enseigner la sculpture, plus précisément le modelé, à l’école des Beaux-Arts avant de mettre sur pied, avec ses collègues Jorge Romero Brest et Jorge Larco, une école privée, l’Académie d’Altamira. C’est là qu’en 1946 il élabore, en compagnie de quelques jeunes artistes et intellectuels, le Manifiesto Blanco (le Manifeste blanc), qui sera le point de départ d’une nouvelle phase de travail dès son retour en Italie. Y sont d’ores et déjà énoncées les règles d’un art à naître, articulées autour des concepts de temps et d’espace. Il s’agit, annonce-t-il, de tourner le dos à "l’usage des formes connues de l’art" pour privilégier, au contraire, "le développement d’un art fondé sur l’unité du temps et de l’espace".

En 1947, Lucio Fontana revient donc à Milan et y reprend son projet pour en faire un "manifeste technique" qui, sous le titre de "Nous continuons l’évolution des moyens dans l’art", sera publié en 1951. Un petit groupe se réunit bientôt autour de ses idées et propositions. Deux autres manifestes concourent à définir le mouvement. Le premier, Spatialistes I (1947), est rédigé par le peintre Beniamino Joppolo. Il est prolongé, l’année suivante, par Spatialistes II, du critique Antonino Tullier.

Une invention vieille déjà d’une trentaine d’années va permettre à Fontana d’explorer ce qui va devenir bientôt sa voie royale. Un physicien américain du nom de Robert Williams Wood découvre au tout début des années 1920 une lumière noire à ultraviolets qui produit d’étranges fluorescences. Cette lumière noire ou lumière de Wood est celle-là même que Fontana, avec l’aide de l’architecte Luciano Baldessari, utilise pour concevoir une installation plongée dans l’obscurité tout en étant traversée de colorations abstraites, qui semblent suspendues au-dessus du sol. Cette première œuvre spatialiste voit le jour en 1949 sous le titre d’Ambiente spaziale, qu’on pourrait traduire par milieu ou environnement spatial. Elle est exposée à Milan, dans la Galleria del Naviglio.

La toile lacérée

C’est alors que Fontana édicte un geste souverain. Il griffe, perfore, troue, incise et lacère la toile du tableau. Ce faisant, c’est comme s’il trouvait une signature originale par quoi, aujourd’hui, se reconnaissent ses peintures de cette époque. La lame de rasoir, le cutter ou le poinçon se mettent donc à entamer les toiles monochromes. L’idée lui en est venue à la faveur d’un incident, ou plutôt d’un accident. Il endommage l’une des toiles qu’il s’apprêtait à exposer à Paris. Peu importent les circonstances, désormais, quelle que soit l’intensité de la couleur déposée dessus, la surface d’une toile ne doit plus seulement exister pour le regard de l’observateur qui s’abîme en elle, mais, au contraire, s’ouvrir largement aux hasards de son environnement non pictural.

Néanmoins, la lacération ne constitue pas l’unique mode de traitement. La perforation peut à son tour produire un effet semblable. Fontana, qui est d’abord sculpteur, s’empresse d’appliquer un procédé voisin en fendant des sphères, le volume sphérique étant d’ordinaire considéré comme la forme la plus proche de la perfection, à l’image de ce qu’une surface parfaitement lisse représente pour la peinture. Le néon, en revanche, lui sert à fabriquer de véritables décorations spatiales et lumineuses, comme celle qui est conçue pour la neuvième triennale de Milan en 1951. Il fait paraître un Manifeste de l’art spatial, chargé de compléter la Proposition d’un règlement du mouvement spatial publiée l’année précédente. Il n’y aura plus qu’à y ajouter, en 1952, le Manifeste du mouvement spatial pour la télévision pour constituer une trilogie théorique du spatialisme. Une première grande exposition collective, sous l’intitulé programmatique d’Arte spaziale, viendra illustrer les propositions de ces manifestes. Outre celles de Fontana, elle rassemble des œuvres de Giancarlo Carozzi, Roberto Crippa, Mario Deluigi, Gianni Dova, Beniamino Joppolo et Cesare Peverelli.

Afin d’insister sur le caractère radical et irréversible de sa démarche, l’artiste décide d’attribuer désormais à ses œuvres le titre unique de Concetto spaziale (Concept spatial) qui va se décliner, au tout début des années 1960, en sculptures (Concetto spaziale Natura, Kröller-Müller Museum, Pays-Bas) ou en peintures (Concetto spaziale Attese, Folkwang Museum d’Essen, MoMA de New York, musée des Beaux-Arts de Houston, etc.).

Parallèlement, un penchant pour le décoratif l’amène à consteller certaines de ses peintures d’éclats de verroterie ou de petits cailloux. Cette inclination va trouver à s’exprimer sur le tard à travers des formats aux découpes variées et aux surfaces laquées (Concept vert ovale, 1963, Galleria dell’Ariete, Milan). Cela ne nuit en rien au caractère rigoureux et absolu de sa production « spatialiste », poursuivie par tous les moyens techniques possibles et sous toutes les occurrences manipulables de la lumière. De retour à Milan après un séjour new-yorkais dans les années 1960 (New York à midi, trombes d’eau, 1961, œuvre graphique, Mnam, Paris), Lucio Fontana finit par quitter la ville pour rejoindre Comabbio, commune située dans la province de Varèse, en Lombardie, et berceau de sa famille. Il y meurt le 7 septembre 1968.

Source : Hervé GAUVILLE, « FONTANA LUCIO - - (1899-1968) », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 28 avril 2014. URL : http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/lucio-fontana/

Bibliographie


Lucio Fontana : rétrospective
exposition au Musée d’art moderne de la ville de Paris
Paris-Musée, 2014
ART 709.040 7 FON

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