Lauréate du prix Pulitzer en 1988 et du prix Nobel de littérature en 1993, elle était une voix.
"Le langage de l’oppression représente bien plus que la violence ; il est la violence elle-même ; il représente bien plus que les limites de la connaissance ; il limite la connaissance elle-même."
Extrait de son discours de réception du prestigieux prix suédois en 1993.
Née le 18 février 1931 à Lorain, ville industrielle du nord de l’Ohio, état rural du Midwest des États-Unis, Tony Morrison est issue d’une famille ouvrière. Elle grandit au sein d’une fratrie de quatre enfants.
Elève modèle, elle acquiert très tôt le goût des mots.
Elle puise dans les récits de sa mère les racines de son écriture, mais également dans l’histoire de sa famille venue du Sud vers le Nord des États-Unis à l’époque de la Grande Migration espérant une ascension sociale et ainsi échapper au racisme.
Toute l’œuvre de Toni Morrison, africaine-américaine et écrivaine, pose notamment la question de ce que signifie écrire quand on est constamment renvoyée à la couleur de sa peau et qu’on est descendante d’esclaves.
« Briser cette convention de l’identification raciale, c’était magnifique. Serai-je autorisée, enfin à écrire sur des Noirs sans avoir à dire qu’ils sont noirs, comme les Blancs écrivent sur les Blancs ? »
Le Monde 29 août 1998.
La langue de Toni Morrison est sarcastique par moments, drôle, souvent tragique, ironique aussi.
Elle renvoie souvent à la problématique de l’identité et met en lumière la fragilité, la complexité et l’interdépendance des liens humains, sociaux et raciaux dans le monde.
Sur ces procédés d’écriture, elle insiste sur le fait que "le son et l’emphase que l’on porte sur certains des éléments sont aussi importants que les mots qui sont choisis."
Depuis le chant de sa mère jusqu’à celui de l’écrivaine incontournable du courant littéraire et artistique de la "Harlem Renaissance" : Zora Neale Hurston (1891-1960), la voix transmet un lyrisme, un charisme, une force, une mémoire dans laquelle plane la puissance du jazz .
L’auteur aime évoquer ses grandes amitiés avec Angela Davis et Nina Simone.
Pour l’écriture de son grand succès Beloved, elle s’est inspirée de "ces voix interdites, silencieuses" même si "toutes ces histoires étaient présentes dans la musique mais il n’y avait aucun texte qui les reprenaient."
Un trait commun aux personnages de Toni Morrison réside dans le choix des noms qui leurs sont attribués. Le plus souvent, il s’agit de surnoms, de sobriquets ou bien de noms significatifs, toujours avec une pointe d’ironie.
Franck Money-aux-poches-crevées, Macon alias « Milkman » Dead, « le laitier » du Chant de Salomon, des noms loufoques qui rappellent ceux dont étaient affublés les esclaves selon l’humeur de leur maître qui les baptisait ou les rebaptisait à loisir. Des traces comme des fantômes que tout le monde voit mais que personne ne peut nommer.
« Tous ceux qui se souviennent de mon vrai nom sont morts ou partis et plus personne ne cherche à se renseigner, désormais. Certains pensaient que c’était Louise ou Lucille parce qu’ils me voyaient, jadis, prendre le stylo du placeur à l’église pour signer d’un « L » mes enveloppes du denier du culte. D’autres, parce qu’ils avaient entendu des gens parler de moi ou même m’appeler, disaient que c’était El, pour Eleanor ou Elvira. Ils se trompent tous autant qu’ils sont. » Love
Son dernier livre Home parle de la "survie" face aux événements, elle s’en explique et conclut : "Et ainsi vous passez à l’âge adulte, vous grandissez, la perte n’est qu’une partie de ce processus parce qu’à la fin il y a une régénération."
Toni Morrison est devenue un modèle, une écrivaine majeure de la littérature américaine contemporaine.
L’Œil le plus bleu
Bourgois, 1970
Chaque nuit, Pecola priait pour avoir des yeux bleus. Elle avait onze ans et personne ne l’avait jamais remarquée. Mais elle se disait qu’avec des yeux bleus tout serait différent.
Sula
Bourgois, 1973
A l’approche de la quarantaine, Hortense se partage entre son métier de professeur de danse et sa liaison avec un homme marié. Elle pense être heureuse est-elle davantage spectatrice qu’actrice de son existence ?
Le Chant de Salomon
Bourgois, 1977
Dans une ville du nord des Etats-Unis, au bord des Grands Lacs, à travers le destin d’un jeune homme en mal d’adolescence, Macon Mort, de son initiation amoureuse et sexuelle, voici la résurrection foisonnante des légendes africaines sur fond d’esclavage.
Dernier volume de la trilogie.
Beloved
10/18, 1987
"Beloved" est une inscription gravée sur une tombe. Celui d’une petite fille égorgée par sa mère, une esclave noire évadée d’une plantation en 1870. Prix Pulitzer 1988.
Jazz
Bourgois, 1992
L’action de « Jazz » se situe dans les années 20 au sein de la communauté rurale noire. La musique conduit le roman au fil des thèmes abordés tels que la sensualité, la mort...
Paradis
Bourgois, 1973
La violence des hommes contre les femmes, le paradoxe d’une ville noire dont les citoyens eux-mêmes deviennent les oppresseurs, sont les thèmes centraux de ce roman.
Love
Bourgois, 2003
Deux femmes continuent à être obsédées par le même homme, vingt-cinq ans après sa mort. Liées par la jalousie et la douleur, elles se considèrent comme les femmes de Bill.
Un Don
Bourgois, 2009
Au XVIIe siècle, dans une ferme du Maryland, un négociant fait un mariage de raison avec Rebekka. Il se voit offrir la jeune Florens, qu’il accepte de prendre à son service pour alléger la peine de sa femme, sans enfant.
Home
Bourgois, 2012
Aux Etats-Unis, dans les années 1950, le parcours de Frank Money, un vétéran noir de la guerre de Corée de 24 ans qui veut retrouver Cee, sa sœur malade...
Délivrances
Bourgois, 2015
L’histoire de Lula Ann Bridewell, enfant maltraitée, qui a fait un faux témoignage pour plaire à sa mère et passe sa vie à essayer de se racheter en combattant le racisme.
« Si elle trébuche, elle n’en est pas consciente parce qu’elle ne sait pas où s’arrête son corps, quelle partie d’elle est un bras, un pied ou un genou. Elle a l’impression d’être une plaque de glace arrachée à la surface solide de la rivière, flottant dans l’obscurité malgré son poids et se fracassant sur les arêtes des choses qui l’entourent. Cassable, liquéfiable et glacée. »
Extraits de Beloved